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Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/365

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des brassards et de larges bracelets du même métal, une tunique de pourpre plissée par le bas, descendant jusqu’aux talons, et un panache de couleur d’hyacinthe : elle avait fait cette armure à l’insu de son époux, sur la mesure de celle dont il se servait. En les voyant, il est étonné, et il demande à Panthéa : « Eh quoi ! chère femme, tu t’es donc dépouillée de tes ornements pour me faire cette armure ? — Non, par Jupiter, dit Panthéa ; le plus précieux de tous m’est resté. C’est toi, en te montrant aux yeux des autres ce que tu es aux miens, qui es mon plus bel ornement. » Cela dit, elle le revêt elle-même de ses armes, et s’efforce de cacher les larmes dont ses joues sont inondées. Cependant Abradatas, déjà si digne d’attirer les regards, est à peine revêtu de ces armes, qu’il semble encore plus beau et plus noble, outre sa nature distinguée. Il prend des mains de son écuyer les rênes de son char et se dispose à y monter, lorsque Panthéa, faisant retirer tous ceux qui sont présents, lui dit : « Abradatas, si jamais femme a aimé son époux plus qu’elle-même, je crois être une de ces femmes-là. A quoi me sert de le prouver en détail ? Mes paroles, je le crois, te \e prouvent mieux encore que mes discours. Cependant, quels que soient les sentiments que tu me connais pour toi, j’aimerais mieux, j’en jure par mon amour et par le tien, te suivre sous la terre, soldat glorieux, que vivre déshonorée avec un homme déshonoré, tant je me crois faite, ainsi que toi, pour les actions généreuses. Cyrus a droit, ce me semble, à toute notre reconnaissance ; captive, choisie pour être à lui, loin de me traiter en esclave, ou de me proposer ma liberté à des conditions honteuses, il m’a gardée à toi, comme si j’eusse été la femme de son frère. En outre, lorsque Araspe, mon gardien, s’est enfui, je lui ai promis que, s’il me permettait de t’envoyer un messager, tu viendrais lui offrir en toi un allié plus fidèle et plus utile qu’Araspe. »

Ainsi parle Panthéa. Abradatas, ravi de ces paroles, lui touche la tête, lève les yeux au ciel, et fait cette prière : « Souverain Jupiter, fais que je me montre le digne époux de Panthéa, le digne ami de Cyrus, qui nous a traités avec honneur. » A ces mots, il ouvre les portes du char, il y monte, et, lorsqu’il y est placé et que le conducteur en a fermé les portes, Panthéa, qui n’a plus d’autre moyen d’embrasser son mari, couvre le char de ses baisers. Bientôt le char s’éloigne ; elle le suit quelque temps sans être aperçue, jusqu’au moment où Abradatas se détournant et voyant sa femme : » Du courage, Panthéa, lui dit-il.