Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/372

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les fait avertir par un signal de ne pas aller plus loin, et d’opérer un quart de conversion. Dès qu’elles ont fait halte, le visage tourné vers l’armée de Cyrus, Crésus leur ordonne de nouveau de marcher en avant. Alors trois phalanges s’ébranlent à la fois contre l’armée de Cyrus, l’une de front, et les deux autres sur les flancs de droite et de gauche : le plus grand effroi se répand dans toute l’armée de Cyrus : semblable, en effet, à un petit carré renfermé dans un grand, ainsi l’armée de Cyrus est enfermée, sauf par derrière, par les ennemis, cavaliers, hoplites, peltophores, archers et chars.

Cependant, au commandement de Cyrus, ils font face de tous côtés à l’ennemi : de toutes parts règne un grand silence, dans l’attente de ce qui doit arriver. Mais aussitôt que Cyrus croit l’instant favorable, il entonne le péan, l’armée entière y répond : de toutes parts un cri militaire appelle Ényalius[1] : Cyrus part à la tête d’un corps de cavalerie, prend en flanc l’aile droite des ennemis et pénètre à toute vitesse au milieu d’eux : un corps d’infanterie qui le suit, sans rompre son ordonnance, entame les rangs par différents endroits, et combat avec tout l’avantage d’une phalange sur une troupe qui prête le flanc ; de sorte que les ennemis s’enfuient en toute hâte.

Artagersas, jugeant que Cyrus a commencé l’action, pousse son attaque par l’aile gauche, précédé des chameaux, suivant l’ordre de Cyrus : les chevaux, même à une grande distance, ne peuvent soutenir la vue de ces animaux : tout hors d’eux-mêmes, ils fuient, se cachent, se renversent les uns sur les autres : c’est l’effet ordinaire des chameaux sur les chevaux, Artagersas, avec sa troupe en bon ordre, charge l’ennemi en désordre, faisant de droite et de gauche avancer tous ses chars. Ceux qui cherchent à les éviter sont taillés en pièces par la troupe qui suit en ligne, et ceux qui veulent éviter la troupe sont écrasés par les chars.

Abradatas n’attend pas davantage ; il s’écrie : « Suivez-moi, mes amis ! » et lâchant les rênes à ses chevaux, il les presse de l’aiguillon et les met en sang : tous les chars s’élancent avec une égale ardeur ; ceux des ennemis prennent la fuite, les uns emportant, les autres laissant les soldats qui y combattent. Abradatas, après avoir percé cette ligne, fond sur la phalange égyptienne : il est suivi de ceux qu’il a rangés tout près de lui. Souvent ailleurs on a pu constater qu’il n’y a point de phalange

  1. Surnom de Mars.