Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/374

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

derrière et se retournent couverts de blessures : la mêlée s’engage alors entre fantassins et cavaliers : un soldat, renversé et foulé aux pieds sous le cheval de Cyrus, enfonce son sabre dans le ventre de l’animal : le cheval blessé se cabre et renverse Cyrus. On voit alors combien il importe qu’un chef soit aimé de ceux qui l’entourent : tous jettent un cri, et se précipitent en combattant : on pousse, on est poussé, on frappe, on est frappé : enfin un garde de Cyrus saute de son cheval et y fait monter son maître. À peine à cheval, Cyrus voit les Égyptiens battus de toutes parts. Hystaspe et Chrysantas sont là avec la cavalerie perse : Cyrus ordonne alors de ne pas presser davantage la phalange égyptienne, mais de l’inquiéter de loin avec les flèches et les traits : pour lui, il pique vers les machines ; et il s’avise de monter sur une des tours pour découvrir s’il ne reste plus de troupes ennemies qui tiennent encore. Du sommet il voit la plaine couverte de chevaux, d’hommes, de chars fuyant, poursuivant, vainqueurs et vaincus : aucun corps qui résiste ne s’offre à ses regards, sauf les Égyptiens. Abandonnés sans ressource, ils se sont formés en cercle, préparant leurs armes de tous côtés en se couvrant de leurs boucliers : ainsi rangés, ils n’agissent point, mais ils ont beaucoup à souffrir. Cyrus, admirant leur courage, et voyant avec pitié périr de si braves gens, fait retirer tous les assaillants et cesse le combat.

Il leur fait demander par un héraut s’ils aiment mieux mourir tous pour des lâches qui les ont abandonnés, que de sauver leur vie, sans rien perdre de leur réputation de bons soldats. Ils lui répondent : « Pourrions-nous être sauvés, et passer pour de braves soldats ? — Oui, répond Cyrus, puisque nous voyons que vous êtes les seuls qui n’ayez pas lâché pied et qui combattiez encore. — Mais, disent les Égyptiens, comment nous sauver sans déshonneur ? — Vous pouvez, dit Cyrus, vous sauver sans trahir vos alliés, en nous rendant les armes, et en devenant les amis de ceux qui aiment mieux vous sauver que vous faire périr. — Mais si nous devenons tes amis, demandent-ils, que prétends-tu faire de nous ? — Vous faire du bien et en recevoir de vous, dit Cyrus. — Et quel sera ce bien, demandent les Égyptiens ? — Je vous payerai une solde, dit Cyrus, double de celle que vous recevez, tant que nous serons en guerre : la paix faite, à tous ceux de vous qui voudront rester avec moi je donne des terres, des villes, des femmes, des serviteurs. » Ces propositions entendues, les Égyptiens demandent qu’on ne leur fasse point porter les armes contre Crésus : c’est le seul allié, disent-ils, dont