Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/379

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hommes regardent comme la plus heureuse, et qui l’est, selon nous, sera désormais la mienne. — Et qui vit de cette vie si heureuse, dit Cyrus ? — Ma femme, dit Crésus : elle a toujours partagé mes biens, mes plaisirs, mes jouissances, sans avoir aucun souci de se les procurer, sans se mêler de lia guerre ni des combats. Puisque tu parais me destiner l’état que je procurais à celle que je chéris le plus au monde, je crois devoir à Apollon de nouvelles marques de reconnaissance. » En entendant ces mots, Cyrus admire cette tranquillité d’âme. Dès lors il mène Crésus avec lui dans tous ses voyages, soit avec l’espoir d’en apprendre quelque chose d’utile, soit dans la pensée de mieux s’assurer de lui.


CHAPITRE III.


Funérailles d’Abradatas. — Mort volontaire de Panthéa. — Cyrus fait élever un monument aux deux époux.


Tous les deux vont alors prendre du repos. Le lendemain, Cyrus, ayant convoqué ses amis et tous les chefs de l’armée, prépose les uns à la réception des trésors, et ordonne aux autres de prélever, sur les richesses que livre Crésus, la part que réclameront les mages pour les dieux, d’enfermer le reste dans des coffres et de le charger sur des chariots, puis de distribuer les chariots au sort, et de les faire marcher à la suite de l’armée, partout où l’on irait, afin d’avoir toujours sous la main de quoi récompenser chacun suivant son mérite. On fait ce qu’il a ordonné.

Alors Cyrus fait appeler quelques-uns de ses serviteurs : « Dites-moi, leur demande-t-il, quelqu’un de vous a-t-il vu Abradatas ? Je suis surpris que lui, qui jadis venait souvent auprès de moi, ne se rencontre nulle part. » Un des serviteurs lui répond : « Maître, il n’est plus : il est mort dans le combat en poussant son char contre les Égyptiens. Tous les autres, dit-on, ses compagnons exceptés, ont tourné le dos, quand ils ont vu de près les troupes égyptiennes. Et maintenant on dit que sa femme, après avoir enlevé son corps et l’avoir mis sur le chariot dont elle se sert ordinairement, l’a transporté sur les bords du Pactole. Là, pendant que ses eunuques et ses serviteurs creusent sous une éminence voisine un tombeau pour le mort,