Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/496

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lin, d’autre part de la cire. En outre, nos rivaux ne nous permettront pas d’exporter des denrées ailleurs qu’aux pays où ils naviguent eux-mêmes ; si bien que moi, qui ne gagne rien du travail de la terre, je me procure tout au moyen de la mer. Aucune autre ville ne réunit une double richesse, et ne possède à la fois du bois et du lin ; mais où le lin abonde, le pays est plat et sans bois : de même l’airain et le fer ne viennent pas de la même ville, et l’on ne trouve pas deux ou trois produits dans un seul pays ; l’un a telle chose, l’autre telle autre. Enfin, comme il n’est pas de continent qui n’ait une certaine étendue de rivage, ou une île adjacente, ou un détroit, les souverains de la mer ne peuvent y aborder et faire tort à ceux qui habitent ce continent.

Un avantage manque aux Athéniens. Si, avec leur supériorité sur mer, ils habitaient une île, ils pourraient, à leur gré, courir sus aux autres sans rien risquer, tant qu’ils seraient maîtres de la mer, sans que leur pays fût ravagé, sans que l’ennemi pénétrât chez eux. Aujourd’hui, les cultivateurs et les Athéniens riches sont bien plus à la merci des ennemis, tandis que le peuple, qui sait bien qu’on ne peut ni brûler ni saccager son bien, vit sans inquiétude et sans lâches concessions. Il y a plus : s’ils habitaient une île, les Athéniens seraient encore délivrés de cette autre crainte que quelque jour leur île ne fût livrée par une minorité, leurs portes ouvertes, et l’ennemi introduit dans leurs murs. Le moyen, en effet, que ce malheur arrive à des insulaires[1] ? Le peuple également ne serait plus exposé aux factions, si l’on habitait une île. En effet, s’il y avait aujourd’hui des factions, ce ne serait que dans l’espérance d’appeler les ennemis par terre. Mais si l’on habitait une île, on n’aurait rien à craindre de ce côté. Comme, dès l’origine, ils n’habitent point une île, voici ce qu’ils font : ils mettent tout leur avoir dans les îles, se fiant à l’empire de la mer, et ils laissent ravager l’Attique, convaincus que, s’ils la prenaient en pitié, ils perdraient d’autres biens plus importants[2].

Les alliances et les traités ont nécessairement de la stabilité,

  1. « L’extrême faiblesse des frontières diminua la sûreté dans l’intérieur des terres ; d’où il résulta d’abord une défiance qui fit baisser les fonds et les hypothèques, au point qu’on aimait mieux, dit Xénophon, placer son argent dans les lies de l’Archipel que dans le continent de l’Attique Et c’était là un grand mal. » DE PAUW, t. I, p. 66.
  2. « Vous diriez que Xénophon a voulu parler de l’Angleterre. » Montesquieu, Esprit des lois, liv. XXI, chap. VII.