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Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/512

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travailleurs pourraient se concentrer de toutes les fortifications sur un seul point, et, à la moindre apparence d’irruption, se mettre vite en lieu sûr. Supposons que les ennemis viennent en grand nombre, il est clair que, s’ils trouvent du blé, du vin, des troupeaux, ils enlèveront tout cela ; mais dans les mines, s’ils s’en rendent maîtres, que trouveront-ils à leur usage ? Des pierres. D’ailleurs, comment les ennemis se porteront-ils sur les mines ? La ville la plus voisine des mines, Mégare, en est éloignée de plus de cinq cents stades ; et Thèbes, la plus voisine ensuite, en est éloignée de plus de six cents. Par conséquent, de quelque côté qu’ils viennent, il faudra, pour arriver à nos mines, qu’ils passent par Athènes. Or, s’ils sont en petit nombre, ils seront écrasés par nos cavaliers et nos garde-frontières. D’un autre côté, il est difficile que, pour déployer une grande force, ils dégarnissent leur propre pays ; car alors la ville d’Athènes se trouverait beaucoup plus près de leurs villes qu’ils ne le seraient eux-mêmes en approchant de nos mines. Mais supposons qu’ils en approchent, comment pourront-ils y séjourner, n’ayant pas de vivres ? S’ils fourragent par détachements, il y aura du danger pour les fourrageurs et pour ceux dans l’intérêt desquels ils pillent. S’ils fourragent tous ensemble, ils seront assiégés plutôt qu’assiégeants.

Ainsi, non-seulement le produit des esclaves augmentera les ressources de l’État ; mais lorsqu’une grande affluence se sera portée sur les mines, alors les marchés qu’on y tiendra, et les bâtiments publics élevés auprès des mines, et les fourneaux, et tout le reste, donnera de gros revenus. La ville elle-même verra sa population s’accroître prodigieusement, grâce à cette organisation, et les terrains n’auront pas moins de valeur pour les propriétaires que ceux des environs d’Athènes.

En faisant ce que je viens de dire, je garantis que non-seulement la ville deviendra plus riche, mais plus docile, plus amie de l’ordre, plus belliqueuse[1]. Car ceux auxquels il est

  1. Voulons-nous savoir comment se sont réalisés, par la suite, les rêves patriotiques de Xénophon ? lisons les lignes suivantes : « Comme les entrepreneurs des mines de l’Attique traitaient leurs esclaves d’une manière inhumaine, ils en furent aussi punis, à leur tour, d’une manière terrible. À peu près cent ans avant notre ère, ces malheureux conspirèrent entre eux, se révoltèrent contre leurs maîtres, sortirent armés du sein de la terre, mirent tout à feu et à sang, prirent Sunium d’assaut, portèrent la désolation dans les bourgades voisines, et saccagèrent tellement toute la côte maritime de l’Attique, qu’elle ne put jamais se rétablir, et que jamais plus on n’y exploita des mines. Telle fut la fin de l’avarice, et telle fut encore la fin de la tyrannie. » DE PAUW, t. I, p. 51.