Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/61

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sous ses ordres, il savait parfaitement les faire obéir. Dès qu’un eut commencé à vaincre sous lui, deux grands moyens lui créèrent d’excellents soldats, son intrépidité à toute épreuve contre les ennemis et une crainte du châtiment qui les rendait soumis à la discipline. Tel était Cléarque dans son commandement ; mais il ne souffrit jamais, dit-on, subir celui d’un autre. Il avait, quand il mourut, environ cinquante ans.

Proxène de Béotie, dès son enfance, désira devenir un homme capable de grandes choses ; et c’est ce désir qui lui fit prendre des leçons payées de Gorgias de Léontium. Après avoir passé, quelque temps auprès de lui, se croyant alors de force à commander et regardant son amitié comme un prix égal aux services rendus à des princes, il se mêla aux affaires de Cyrus. Il espérait acquérir un grand nom, un grand pouvoir, des sommes considérables. Mais, malgré cette ambition, il prouva toujours jusqu’à la dernière évidence qu’il ne voulait rien obtenir par des moyens injustes : c’était par la justice et la probité qu’il prétendait arriver à son but ; autrement, non. Il était d’une nature à commander à d’honnêtes gens ; mais il n’avait pas ce qu’il faut pour inspirer à ses soldats le respect ou la crainte : il respectait ses soldats plus qu’il n’en était respecté, et l’on voyait trop qu’il craignait plus de se faire mal venir de ses soldats que les soldats de lui désobéir. Il pensait qu’il suffit, pour être un bon chef et le paraître, de donner des éloges à ceux qui font bien, et de n’en point donner à ceux qui se conduisent mal. De la sorte, les honnêtes gens placés sous ses ordres lui étaient dévoués, tandis que les méchants, le prenant aisément pour dupe, conspiraient contre lui. Quand il mourut, il avait près de trente ans.

Ménon de Thessalie ne dissimulait point sa soif des richesses. Il n’aspirait au commandement que pour gagner davantage, désirant les honneurs pour faire plus de profits ; il ne voulait être l’ami des puissants que pour être impunément injuste. Pour arriver à ce qu’il désirait, il regardait comme la voie la plus courte le parjure, le mensonge, la fourberie : la loyauté et la probité lui paraissaient une niaiserie. On voyait qu’il n’aimait personne ; et ceux dont il se disait l’ami, il leur tendait ostensiblement des piéges. Jamais il ne se moquait d’un ennemi ; mais il ne parlait point avec ceux de son entourage sans se moquer d’eux. Il ne cherchait point à s’emparer des biens des ennemis, parce qu’il ne croyait pas facile de prendre ce qui est bien gardé ; mais, seul entre tous, il croyait très-facile de prendre le bien mal gardé