Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/76

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lancent leurs flèches, les frondeurs leurs pierres, et sèment les blessures. Les Grecs surtout de l’arrière-garde ont à souffrir, sans pouvoir faire de mal, attendu que les archers crétois n’atteignaient pas aussi loin que les Perses, et qu’étant armés à la légère, on les avait enfermés dans le centre. De leur côté, les hommes armés de javelines ne pouvaient pas atteindre jusqu’aux frondeurs ennemis. Xénophon se décide alors à poursuivre, et il se jette à la poursuite avec les hoplites et les peltastes qui se trouvent avec lui à l’arrière-garde ; mais on ne peut s’emparer d’aucun ennemi, les Grecs n’ayant pas de cavaliers, et leurs fantassins ne pouvant pas, dans un court espace, mettre la main sur les fantassins perses, qui s’échappaient de loin : car on n’osait pas s’écarter beaucoup du reste de l’armée.

Cependant les cavaliers barbares blessaient, même dans leur fuite, en tirant par derrière de dessus leurs chevaux. Tout le chemin que faisaient les Grecs à la poursuite de l’ennemi, ils l’avaient à faire de nouveau pour se replier en combattant, en sorte que, dans toute sa journée, l’armée n’avança que de vingt-cinq stades, et n’arriva que le soir aux villages. Le découragement recommence. Chirisophe et les plus âgés des stratéges reprochent à Xénophon de s’être détaché de la phalange pour courir après les ennemis, et de s’être mis en péril sans avoir pu faire aucun mal aux ennemis. En les entendant, Xénophon dit que leurs reproches sont justes, et que l’événement témoigne contre lui. « Mais, ajoute-t-il, j’ai été contraint de poursuivre, parce que je voyais qu’en ne bougeant pas nous n’avions pas moins de mal sans pouvoir en faire. C’est en poursuivant que nous avons reconnu la justesse de ce que vous dites ; car nous ne pouvions pas faire plus de mal aux ennemis qu’auparavant, et nous nous repliions avec une grande difficulté. Il faut donc rendre grâce aux dieux de ce que les ennemis ont fondu sur nous, non pas en force, mais seulement avec quelques soldats : sans nous causer de grandes pertes, ils nous ont indiqué ce qui nous manque. En ce moment, les ennemis usent d’arcs et de frondes, dont les archers crétois ne peuvent égaler la portée avec les flèches et les pierres qui partent de leurs mains. Quand nous les poursuivons, nous ne pouvons pas nous éloigner à une grande distance de l’armée ; et à une petite, un fantassin, si Vite qu’il soit, n’en peut joindre un autre qui a sur lui l’avance d’une portée d’arc[1]. Si donc nous voulons em-

  1. Pour cette phrase, un peu embarrassée, nous avons suivi le plus exactement possible le texte de L. Dindorf.