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Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/96

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de l’ennemi, prennent ce qui était resté en arrière de ses bagages, et de plus, quelques belles étoffes et des vases à boire. Le bagage des Grecs et leur suite étaient sur le point de passer, lorsque Xénophon, faisant volte-face aux Carduques, tourne contre eux les armes. Il ordonne aux lochages de former leurs loches par énomoties, en développant chaque énomotie sur un front de phalange du côté du bouclier[1], de telle sorte que les lochages et les énomotarques fussent du côté des Carduques, et les serre-files du côté du fleuve.

Les Carduques, voyant l’arrière-garde séparée de la foule et réduite à un petit nombre, s’avancent contre elle en toute hâte, en chantant je ne sais quels chants. Chirisophe, de son côté, se trouvant en lieu sûr, renvoie à Xénophon les peltastes, les frondeurs, les archers, et leur prescrit de faire ce qui leur sera ordonné. Or Xénophon, qui les voit descendre, leur envoie dire par un officier de se tenir sur le bord de la rivière sans la passer, puis, lorsqu’il commencerait à entrer dans l’eau, de s’y jeter eux-mêmes en dehors de la ligne et sur les deux flancs, comme s’ils voulaient repasser le fleuve et charger les Carduques, la main sur la courroie de leurs javelots et la flèche sur l’arc, mais en ne s’engageant pas loin dans le fleuve. En même temps, il ordonne à sa division, au moment où les pierres les atteindront et feront du bruit sur les boucliers, de chanter le péan et de courir d’un trait à l’ennemi ; puis, dès que l’ennemi sera en fuite, et que de dessus la berge la trompette sonnera la charge, de faire demi-tour du côté de la lance en suivant les serre-files, de courir à toutes jambes et de traverser en ligne droite, sans rompre les rangs, de manière à ne point se gêner mutuellement. Le meilleur soldat sera celui qui arrivera le premier sur l’autre rive.

Les Carduques, voyant qu’il reste peu de troupes, beaucoup des soldats qui devaient faire partie de l’arrière-garde l’ayant quittée, les uns pour les attelages, les autres pour les bagages, d’autres pour leurs maîtresses, font une attaque de pierres et de flèches. Les Grecs, entonnant le péan, s’élancent sur eux au pas de course. Les ennemis ne tirent même pas, vu qu’ils étaient armés, comme dans leurs montagnes, de manière à charger et à fuir promptement, mais pas d’une manière suffisante pour résister. Au même instant, la trompette sonne, ce qui fait fuir les ennemis encore plus vite. Les Grecs font demi-tour

  1. C’est à-dire du côté gauche.