Page:Xavier de Montepin - La Porteuse de pain, 1903 1905.djvu/25

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
20
LA PORTEUSE DE PAIN

Avec quelques capitaux à sa disposition il pouvait et devait arriver à une situation considérable ; malheureusement les capitaux manquaient.

Jacques connaissait ses dispositions naturelles, ses aptitudes, et souvent, pour les développer plus encore, il consacrait une partie de ses nuits à l’étude des livres spéciaux.

Des rêves d’ambition fiévreuse le hantaient.

Il se disait qu’il ne végéterait pas toujours sans doute ; qu’une occasion se présenterait tôt ou tard de voler de ses propres ailes, et de prendre sa place au soleil… — une large place !!


iv


Jacques Garaud avait un tempérament de jouisseur, une nature avide, sinon d’un luxe qu’il ne connaissait pas, du moins de satisfactions matérielles.

Il voulait être riche, — riche à tout prix

Nous soulignons à dessein ces trois mots, car la conscience de Jacques était assez élastique pour l’empêcher de regarder de près aux moyens de faire fortune.

En disant à Jeanne qu’il l’aimait, qu’il voulait la prendre pour femme, il ne mentait point ; — il éprouvait très réellement à l’endroit de la veuve de Pierre Fortier une passion sincère et violente, une de ces passions qui ne reculent devant rien quand il s’agit d’atteindre le but convoité, mais qui s’éteignent vite quand ce but est atteint.

Les dernières paroles de Jeanne avaient fait naître dans son âme une sensation de joie inouïe.

— Elle s’apprivoise ! — murmura-t-il. — Je viens aujourd’hui de faire un grand pas… — Au lieu de répondre : Non ! comme toujours, elle a répondu : Peut-être ! Si j’arrive à caresser ses oreilles par la musique des louis d’or, à étaler sous ses yeux des billets de banque, je serai certain du succès final !… — Suis-je assez bête d’aimer comme ça !! — C’est la première fois que ça m’arrive ! — Il n’y a pas à dire, je suis mordu ! solidement mordu !! — Jeanne me fait tourner la tête ! Elle me rend fou !… Il faut qu’elle soit à moi !!! — Je ne peux pas vivre sans elle, et, plutôt que de la voir appartenir à un autre, je la tuerais !! — Mais je sens que pour l’obtenir il faut être riche… — Je n’ai produit d’impression sur elle qu’en lui parlant de fortune pour ses enfants… — Comment m’enrichir vite ? — Ah ! si j’avais dans la tête une bonne invention de mécanique et dans ma poche des billets de mille pour l’exécuter, ce serait bientôt fait !!