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— Prenez garde à ce que vous dites ! s’écria Charles furieux, et, dans son empressement à avancer, il se fia plus à sa béquille qu’au bras de son cousin, glissa, et serait tombé jusqu’au bas de la rampe, si Philippe ne l’avait adroitement reçu dans ses bras et porté comme un enfant jusque dans le cabinet de toilette. Le bruit attira Amy, qui fut fort effrayée, mais Charles, une fois déposé sur le sofa, la rassura en disant qu’il ne s’était pas fait de mal ; mais il ne put se décider à remercier Philippe, qui sortit de la chambre sans paraître remarquer l’humeur de son cousin.

— Je suis un beau personnage pour vouloir être bon à quelque chose, s’écria le pauvre Charles, quand il fut seul avec Amy. Je ne puis seulement montrer ma colère à un impertinent qui parle de ma sœur d’une manière qui ne me convient pas, sans risquer de me rompre le cou, et sans devoir la vie à ce même insolent.

— Ne parlez pas ainsi, dit Amy, et dans ce moment Philippe rentra encore avec la béquille que Charles avait laissé tomber, puis il sortit sans mot dire.

— Peu m’importe qu’il l’entende, répéta Charles. Je dirai toujours qu’il n’est pas de plus grand malheur que d’avoir le cœur d’un homme et les membres d’un impotent. Certainement, si j’étais bon à quelque chose, cela ne se passerait pas ainsi, je serais déjà à Saint-Mildred, je saurais le fond de l’histoire, et M. Philippe pourrait montrer ses preuves à qui voudrait les croire. Mais à quoi sert de parler ? Ce sofa… s’écria-t-il en le frappant du poing, ce sofa est ma prison !