Page:Young - Les Nuits, trad. Le Tourneur, t. 1-2, 1827.djvu/43

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Le sommeil même est chargé de l'instruire.

Quand ce Dieu taciturne soumet à sa douce puissance mes membres assoupis, mon âme toujours éveillée poursuit sans le secours des sens son vol infatigable. Tantôt elle foule d'un pied fantastique la verdure et les fleurs. Tantôt enfoncée dans la sombre épaisseur d'une forêt solitaire, elle la traverse triste et pensive : elle s'afflige de ne pouvoir découvrir les traces consolantes des pas du voyageur. Quelquefois tombée soudain du sommet d'un rocher, elle se sent avec horreur rouler de précipices en précipices; c'est la surface d'un lac qui l'a reçue dans sa chute; elle nage avec effort au travers de son onde écumante, regagne ses bords escarpés, et gravit péniblement le penchant de la montagne. Combien de fois elle se sent portée sur l'aile des vents, au milieu d'une foule de fantômes bizarrement vêtus, légers enfans de l'imagination! Mais soit qu'elle jouisse d'un doux mensonge, soit qu'elle souffre de ses chimères, ses erreurs mêmes lui disent qu'elle est d'une nature plus noble que la poussière qui s'élève sous mes pas, que son activité n'a point de bornes, qu'elle aime à prendre l'essor vers les hauteurs, et que