Page:Young - Les Nuits, trad. Le Tourneur, t. 1-2, 1827.djvu/48

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trois, coup sur coup ? Ils ont déchiré mon cœur de trois mortelles blessures, avant que l'astre de la nuit eût arrondi trois fois son globe mélancolique.

C'est en vain que le temps coule et change mes heures; en vain je change de situation et de lieux. Le plaisir a fait avec moi un divorce éternel. Il ne vient plus s'unir à mes réflexions. Elles s'aigrissent toutes sur mon cœur et l'abreuvent d'amertume. La pensée, trop active pour mon repos, me tourmente sans relâche. La cruelle, profitant du calme et des ténèbres de la nuit, m'entraîne dans le passé, promettant de m'y consoler. Imprudent, je la suis dans les sombres détours de ces temps qui ne sont plus : mais, comme un assassin perfide, elle me trahit et m'y perce le sein. Elle s'étudie à me chercher partout des chagrins. Elle me ramène aux lieux où furent mes plaisirs : et je ne trouve qu'un désert où leurs fantômes sont restés pour tourmenter ma mémoire. Je déplore les richesses évanouies de mes premières années; je gémis sur les débris épars de mon bonheur : tous les objets qui m'avaient charmé, tous ces biens si chers dont je jouissais avec transport, me font au-