Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/107

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facile et la douceur habituelle sont les premières conditions de la société privée ; mais l’esprit, les connaissances, l’originalité, doivent rompre cette surface uniforme par quelques saillies de sentiment ; sans cela l’entretien n’est qu’un voyage sur une plaine sans fin.

La vallée de Larbousse, dans laquelle Luchon se trouve, est avec son cadre de montagnes la plus grande de toutes les beautés rustiques que nous avons à contempler. La chaîne qui la borde au nord est déboisée mais couverte de cultures ; aux trois quarts de sa hauteur, un grand village est perché sur une côte si escarpée, que le voyageur inexpérimenté tremble que le village, l’église et les habitants ne culbutent dans la vallée. Des villages ainsi juchés, comme l’aire d’un aigle, sont très communs dans les Pyrénées, qui paraissent prodigieusement peuplées. La hauteur de la montagne, à l’ouest de la vallée, est étonnante. Les prairies arrosées et les cultures en occupent plus du tiers. Une forêt de chênes et de hêtres forme au-dessus une superbe ceinture, plus haut il n’y a que de la bruyère, plus haut encore, de la neige. De quelque point qu’on la contemple, cette montagne est imposante par sa masse, magnifique par sa verdure. La chaîne de l’est est d’un caractère différent : il y a plus de variété de cultures, de villages, de forêts, de gorges et de cascades. Celle de Gouzat, qui met un moulin en mouvement en tombant de la montagne, est d’une beauté romantique ; et rien ne lui manque de ce qu’il faut pour la rehausser. Il y a des détails dans celle de Montauban que Claude Lorrain eût reproduits sur sa toile, et la vue prise du roc au châtaignier, est vive et animée. Au sud, notre vallée se termine d’une manière remarquable ; la Neste jette d’incessantes cascades sur les