Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/160

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que ceux d’à présent ; mais, il faut l’avouer, l’établissement est fait dans un but d’humanité, et la conduite en est excellente.

Je reconnus à Liancourt la fausseté des idées que je m’étais faites, avant mon voyage en France, d’une maison de campagne dans ce royaume. Je m’attendais à n’y voir qu’une copie de la capitale, toutes les formes assommantes de la ville, moins ses plaisirs ; mais je me détrompai. La vie et les occupations ressemblent beaucoup plus à celles d’une résidence de grand seigneur anglais que l’on ne se l’imaginerait ordinairement. On trouve le thé servi, si l’on veut descendre déjeuner ; puis la promenade à cheval, la chasse, les plantations, le jardinage, mènent jusqu’au dîner, que l’on ne sert qu’à deux heures et demie, au lieu de l’ancienne habitude de midi ; la musique, les échecs, ainsi que les autres passe-temps ordinaires d’un salon de compagnie et une bibliothèque de sept ou huit mille volumes permettent d’employer agréablement les loisirs qui restent. On voit que la façon de vivre est en grande partie la même dans les différents pays d’Europe. Il faut ici que les ressources de l’intérieur soient très nombreuses ; car, avec un tel climat, on ne peut compter sur celles du dehors ; la quantité de pluie qui tombe est incroyable. J’ai remarqué que pendant vingt-cinq ans, en Angleterre, je n’ai jamais été retenu à la maison par la pluie ; il peut tomber une forte averse, qui dure plusieurs heures ; mais saisissant le moment, on peut se permettre un tour de promenade, soit à pied, soit à cheval. Depuis mon séjour à Liancourt, nous avons eu une pluie incessante, si forte, que je ne pouvais aller du château au pavillon du duc sans courir le risque d’être traversé. Il est tombé pendant dix jours plus d’eau, j’en suis sûr, si on avait pu la mesurer, qu’il n’en tombe jamais en Angleterre