Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/18

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NOTICE SUR A. YOUNG




« Tout pour la charrue, » a dit Arthur Young dans l’ouvrage dont le public français semble avoir fait un enfant d’adoption. Ce n’est pas une saillie telle que les décochaient les spirituels causeurs chez la comtesse d’Albany ; c’est une vérité, à laquelle une longue vie, pleine d’une activité quelque peu brouillonne et de pas mal de contradictions, n’a pourtant pas donné un seul instant de démenti. La charrue, voilà l’objet constant de ses pensées ; il y ramène tout, il en parle à chaque instant, et s’il porte un toast, elle y entre toujours pour moitié. Il a publié plus de cent volumes, mais la centaine tout au moins ne traite que de ce sujet, et avec passion. Quand Hésiode et Caton l’Ancien s’occupent des choses de la terre, c’est d’un ton grave, presque inspiré ; il semble que l’on entende les oracles rapportés de Delphes ou la loi des Douze Tables. Pour Xénophon, pour Cicéron l’agriculture est une école convenable à la dignité de la vie philosophique. Les auteurs latins qui ont suivi sont des grands seigneurs jaloux d’augmenter leurs revenus et de montrer qu’ils s’entendent à ces affaires-là tout autant qu’aux autres. Chez nous un grand homme a réuni presque tous ces caractères en leur donnant un tour gracieux, humain, qui n’enlevait rien à l’élévation, à la sérénité, à la valeur technique et qui lui est resté propre.