Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/208

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murs de boue, pas de carreaux, et un si mauvais pavé que c’est plutôt un obstacle aux passants qu’un secours. Il y a cependant un château, et qui est habité. Quel est donc ce M. de Chateaubriand, le propriétaire, dont les nerfs s’arrangent d’un séjour au milieu de tant de misère et de saleté ? Au-dessous de ce hideux tas d’ordures se trouve un beau lac entouré de haies bien boisées. Au sortir d’Hédé, beau lac appartenant à M. de Blassac, intendant de Poitiers ; superbes bois aux alentours. Avec un peu de soin, on ferait de ceci un tableau délicieux. Il y a un château, des fenêtres duquel on ne voit que quatre rangées d’arbres, rien de plus, selon le style français. Dieu du goût, faut-il que le possesseur de ce château soit aussi celui de cet admirable lac ! et cependant M. de Blassac a fait à Poitiers la plus belle promenade de France ! Mais le goût de la ligne droite et celui de la ligne sinueuse sont fondés sur des sentiments et des idées aussi séparés, aussi distincts que la peinture et la musique, la poésie et la sculpture. Le lac est poissonneux ; il y a des brochets de 36 liv., des carpes de 24, des perches de 4 et des tanches de 5. Jusqu’à Rennes, même confusion bizarre de déserts et de cultures ; pays moitié sauvage, moitié civilisé. — 31 milles.

Rennes est bien bâtie et a deux belles places, surtout celle de Louis XV, où se trouve sa statue. Le Parlement étant en exil, on ne peut voir la salle des séances. Le jardin des Bénédictins, appelé le Tabour, est remarquable ; mais ce qu’il y a de plus curieux à Rennes maintenant, c’est, aux portes de la ville, un camp formé par quatre régiments d’infanterie et deux de dragons, sous le commandement d’un maréchal de France, M. de Stainville. Le mécontentement du peuple, qui avait amené ces précautions, venait de deux causes :