Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/293

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l’Angleterre, la circulation rapide et énergique de la richesse, de l’activité, de l’instruction, ne trouve pas de mots assez forts pour peindre la tristesse et l’abrutissement de la France. Tout aujourd’hui j’ai suivi une des plus grandes routes à trente milles de Paris ; je n’ai cependant pas vu de diligence ; je n’ai rencontré qu’une voiture de personne aisée et rien davantage qui y ressemblât. — 30 milles.

Le 5. — Mareuil. La Marne, large d’environ vingt-cinq perches anglaises, coule à droite dans une riche vallée. Le pays est accidenté, souvent agréable ; des hauteurs on en a une belle vue de la rivière. Mareuil est la résidence de M. Leblanc, dont M. de Broussonnet m’avait parlé fort avantageusement, surtout par rapport à ses moutons d’Espagne et à ses vaches de Suisse. C’était lui aussi sur lequel je comptais pour mes renseignements touchant les fameux vignobles d’Épernay, qui produisent le meilleur champagne. Quel fut mon désappointement quand j’appris de ses domestiques qu’il était allé à neuf lieues de là pour ses affaires : « Madame Leblanc y est-elle ? — Non, elle est à Dormans. » Mes exclamations de dépit furent interrompues par l’arrivée d’une fort jolie jeune personne qui n’était autre que mademoiselle Leblanc. « Maman sera ici à dîner, et papa ce soir ; si vous lui voulez parler, veuillez bien l’attendre. » Quand la persuasion prend d’aussi gracieuses formes, il n’est pas facile de lui résister. Il y a dans la manière de faire les choses un tour qui vous y laisse indifférent on vous y fait prendre intérêt. L’enjouement naturel et la simplicité de mademoiselle Leblanc me firent attendre patiemment le retour de sa mère, en me disant à part moi : « Vous ferez, mademoiselle, une excellente fermière. »