Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/312

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec leur butin[1]On avait mis, en même temps, des gardes à toutes les issues des monuments publics. Pendant deux heures, je suivis les détails de cette scène en différents endroits, assez loin pour ne pas craindre les éclats de l’incendie, assez près pour voir écraser devant moi un beau garçon d’environ quatorze ans, en train de passer du butin à une femme, que son expression d’horreur me fait croire être sa mère. Je remarquai plusieurs soldats avec leurs cocardes blanches au milieu de la foule, qu’ils excitaient sous les yeux des officiers du détachement. Il y avait aussi des personnes si bien vêtues, que leur vue ne me causa pas peu de surprise. Les archives publiques furent entièrement détruites ; les rues environnantes étaient jonchées de papiers c’est une barbarie gratuite, car il s’ensuivra la ruine de bien des familles, qui n’ont rien de commun avec les magistrats.

Le 22. — Schelestadt. À Strasbourg et par tout le pays où j’ai passé, les femmes portent leurs cheveux relevés en toupet sur le sommet de la tête, et nattés derrière en natte circulaire de trois pouces d’épaisseur, très bien arrangés, pour prouver qu’elles n’y passent jamais le peigne. Je ne pus m’empêcher d’y voir le x nidus de colonies vivantes, et elles n’approchaient pas de moi (la beauté n’est pas leur fort), qu’une démangeaison imaginaire ne me fît me gratter la tête. Dans ce pays tout est allemand, sitôt que vous sortez des villes ; les auberges ont de vastes salles communes, avec plusieurs tables toujours servies, où se mettent

  1. On rejetait la faute sur le général Klinglin (M. le baron de Klinglin, maréchal de camp du 1er mars 1780), qui n’avait pas voulu l’empêcher : son émigration semble le prouver. — Zimmermann.