Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/337

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encore pire. Cette capitale du Bourbonnais, située sur la grande route d’Italie, n’a pas une auberge comparable à celle du petit village de Chavannes. Pour lire le journal j’allai au café de madame Bourgeau, le meilleur de la ville ; j’y trouvai vingt tables pour les réunions ; quant au journal, j’aurais pu tout aussi bien demander un éléphant. Quel trait de retard, d’ignorance, d’apathie et de misère chez une nation ! Ne pas trouver dans la capitale d’une grande province, la résidence d’un intendant, et au moment où une assemblée nationale vote une révolution, un papier qui dise au peuple si c’est Lafayette, Mirabeau ou Louis XVI qui est sur le trône ! Assez de monde pour occuper vingt tables et assez peu de curiosité pour soutenir une feuille ! Quelle impudence et quelle folie ! Folie de la part des habitués, qui n’insistent pas pour avoir au moins une douzaine de journaux ; impudence de la maîtresse de maison qui ose ne pas les avoir. Un tel peuple eût-il jamais fait une révolution, fût-il jamais devenu libre ? Jamais, pour des milliers de siècles. C’est le peuple éclairé de Paris, au milieu des brochures et des publications, qui a tout fait. Je demandai pourquoi on n’avait pas de journaux. « Ils sont trop chers, » me répondit-elle, en me prenant vingt-quatre sous pour une tasse de café au lait et un morceau de beurre de la grosseur d’une noix. « C’est grand dommage qu’une bande de brigands ne campe pas dans votre établissement, madame. » Parmi les lettres que j’ai dues à M. de Broussonnet, peu m’ont été aussi utiles que celle qui m’adressait à M. l’abbé de Barut, principal du collège de Moulins. Il se pénétra vivement de l’objet de mon voyage et fit toutes les démarches possibles pour me satisfaire. Nous allâmes d’abord chez M. le comte de Grimau, lieutenant général du bailliage et directeur