Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/372

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un des plus considérables de France ; mais il n’offre plus à présent qu’un triste spectacle. Le baron a beaucoup souffert de la révolution ; une grande étendue de terres, appartenant autrefois absolument à ses ancêtres, avait été donnée à cens ou pour de semblables redevances féodales, de sorte qu’il n’y a pas de comparaison entre les terres ainsi concédées et celles demeurées immédiates dans la famille. La perte des droits honorifiques est bien plus considérable qu’elle ne paraît, c’est la ruine totale des anciennes influences. Il était naturel d’en espérer quelque compensation aisée à établir, mais la déclaration de l’Assemblée nationale n’en alloue aucune, et l’on ne sait que trop dans ce château que les redevances matérielles que l’Assemblée avait déclarées rachetables se réduisent à rien, sans l’ombre d’une indemnité. Le peuple est en armes et très agité dans ce moment. La situation de la noblesse dans ce pays est terrible : elle craint qu’on ne lui laisse rien que les chaumières épargnées par l’incendie, que les métayers s’emparent des fermes sans s’acquitter de la moitié du produit, et qu’en cas de refus, il n’y ait plus ni lois ni autorité pour les contraindre. Il y a cependant ici une nombreuse et charmante société, d’une gaieté miraculeuse quand on songe aux temps, à ce que perd un si grand seigneur, qui a reçu de ces ancêtres tant de biens, dévorés maintenant par la révolution. Ce château superbe, même dans sa ruine, ces bois antiques, ce parc, tous ces signes extérieurs d’une noble origine et d’une position élevée, sont, avec la fortune et même la vie de leurs maîtres, à la merci d’une populace armée. Quel spectacle ! Le baron a une belle bibliothèque bien remplie, une partie est entièrement consacrée aux livres et aux brochures publiés sur l’agriculture dans