Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/405

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et nous pûmes parler à gorge déployée de ce qui s’était passé en France depuis mon départ de Paris. — 46 milles.

Le 4 — Après le déjeuner, j’ai fait un tour aux Tuileries, où se présenta le spectacle le plus extraordinaire que Français ou Anglais ait vu dans cette ville : le roi se promenant avec un ou deux officiers de sa maison et un page au milieu de six grenadiers de la garde bourgeoise. Les portes du jardin étaient fermées, par respect pour lui, afin d’en exclure toute personne qui n’a pas le titre de député ou une carte d’admission. Quand il rentra dans le palais, on les ouvrit pour tout le monde sans distinction, quoique la reine se promenât encore avec une dame de la cour. Elle aussi était escortée par des gardes françaises, et de si près, que, pour n’être pas entendue d’eux, elle devait parler à voix basse. La populace la suivait, parlant très haut et ne lui marquant d’autre respect que de lui ôter son chapeau quand elle passait ; c’est plus que je n’aurais cru. Sa Majesté ne paraît pas bien portante, elle semble affectée et sa figure en garde des traces. Le roi est aussi gras que s’il n’avait aucun souci. Par ses ordres, on a réservé un petit jardin pour l’amusement du Dauphin, on y a bâti un petit pavillon où il se retire en cas de pluie : je le vis à l’ouvrage avec sa bêche et son râteau, mais non sans deux grenadiers pour l’accompagner. C’est un joli petit garçon, d’un air très avenant ; il ne passe pas sa sixième année ; il se tient bien. Partout où il va, on lui ôte son chapeau, ce que j’observais avec plaisir. Le spectacle de cette famille prisonnière (car telle est sa véritable situation) choque au premier abord ; ce serait à bon droit, si, comme je le crois, il ne le fallait pas absolument pour effectuer la