Page:Yver - Cher coeur humain.djvu/201

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Non, je n’ai pas calculé ; non, je ne fus pas avide. L’élévation de ma vie se présentait avec l’attrait d’Alice pour consolider en moi le projet du mariage. Je ne dis pas que cette élévation me fût indifférente : elle me faisait fermenter le sang quand j’y pensais. Je ne dis pas que ma raison n’embrassât étroitement ces heureuses conditions d’union et ne me soutint avec force dans la difficile conquête qu’hésitant encore, j’allais entreprendre, en ce sens que, si Alice par exemple eût été soudain privée de l’héritage et des biens de son père, mon amour sujet encore à ces fluctuations, à ces remous qui marquent le début d’une passion (Laffrey l’a observé comme moi) n’aurait peut-être pas pu résister au sentiment du déraisonnable et du périlleux qui eût lutté contre mon désir et ôté à ma folie la vigueur de se décider. Car, mon cher, tu es garçon, mais tu dois bien te douter des tergiversations où l’on peut nager à l’instant de choisir sa femme, et que toute une partie de soi-même se défend d’être dupe et vous avertit froidement des risques où l’on s’engage. Cette portion de l’individu qui sert de témoin à l’autre n’est pas attaquée par la passion. Elle est comme un parent expérimenté qui vous montre les défauts possibles de la bien-aimée, des malfaçons morales ou un caractère acariâtre : de la