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Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/13

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toute ambition, est le signe fatal des Maîtres. Et soudain, dans cette fièvre politique qui décuplait sa vie, il avait aimé Madeleine, cette petite créature d’esprit et de grâce que, furtivement ce soir, dans le noir du coupé, il enlaçait de son bras. Il l’avait aimée aussi tendrement que possible, mais en même temps avec fureur, avec folie. Il avait quelquefois cette idée et — il en chassait l’expression de son esprit parce qu’il était naïvement convaincu de sa propre modestie et que c’était ridicule : « J’ai là une passion de grand homme. » Et en vérité, il y avait quelque chose de rare dans sa manière d’aimer, une passion et une tendresse que vingt hommes sur cent ne connaissent peut-être pas en amour. Il n’osait imaginer la conduite qu’il aurait tenue, si elle lui avait refusé sa main. Mais il lui avait plu. Il lui avait plu par ce qui avait conquis les tisseurs du faubourg, par ce que les femmes aimaient en lui comme les hommes : sa pâleur intelligente, ses yeux profonds, son air triste, ses mouvements lents de rêveur, sa main énergique qui dessinait en gestes les idées qu’il énonçait.

Madeleine avait bien aussi la beauté d’une femme faite pour l’amour ; et c’était tellement réel, qu’elle avait beau s’habiller simplement, porter des robes