Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/138

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de tendresse, les instructions touchant leur nouvelle vie au ministère. Chose étrange, chez ces deux êtres si épris l’un de l’autre, leurs sentiments respectifs, différents, opposés même, les travaillaient en sens inverse. Alors que Madeleine cherchait à distinguer du grand homme l’homme qu’elle aimait, qu’elle eût aimé dénué de tout et malheureux, lui s’efforçait, dans son orgueil masculin, à rester devant elle le personnage célèbre du jour ; il lui imposait sa gloire ; il lui offrait le perpétuel souvenir de son génie ; il voulait être aimé pour sa grandeur.

La jeune femme quittait avec peine cette simple et jolie maison du faubourg, où ils s’étaient unis. Samuel, lui, sentait un grand bonheur viril à emmener sa chérie dans l’appartement princier du ministère de l’Intérieur, qui commandait le quai, et dont il avait connu, lors des réceptions, les salons en enfilade, les plafonds caissonnés, les trumeaux peints et les murs flottants de vieilles tapisseries poméraniennes : tableaux éteints, pâles broderies de laine, dont les couleurs reposent les yeux sans les distraire. Ce luxe qu’il aimait secrètement, revêtait, dans ce logis transitoire des hommes d’État, un anonymat qui n’offensait pas absolument la simplicité républicaine. Il honorait la