Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/171

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pause, il me faisait glisser, je ne pesais rien, lui non plus ; j’ai vu tantôt la civière où gisait son cadavre ; les deux hommes de la garde avaient peine à le porter. C’est lourd, un mort.

Elle se redressa. Ses dents claquaient, son doigt déganté chercha les taches de sang sur la jaquette, et quand elle se vit le doigt humide :

— Cela ne peut pas sécher.

Elle ne pleurait plus.

— Tirez cela, dit rudement Saltzen, qu’on ne le revoie pas.

Et il lui ôta, en médecin brusque, le paletot de fourrure, qu’il jeta au loin, en le froissant de colère. Puis, debout devant elle maintenant, la dominant :

— Tout cela n’est pas votre affaire ; ce qui se passe dans la rue ne vous regarde pas. Il meurt chaque jour une foule de gens auxquels vous ne pensez pas. S’il y a eu des bagarres aujourd’hui, c’est très triste, mais vous n’y pouvez rien, et c’était inconvenant de votre part de vous y mêler. Votre place était ici, à parer votre nouvelle demeure.

Elle le regarda fixement ; ses longs yeux désolés, sa bouche, tout son air était une plainte et un reproche.