Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/305

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lui fit mal à elle-même ; sa poitrine se souleva de petits sanglots sans larmes, les sanglots qui disent les outrances de douleur.

— Mon ami, dit-elle doucement, nous aurions vécu là, toujours, dans cette jolie maison qui regarde la mer, bâtie loin des bruits de la ville, image de notre vie retirée aussi. Sans sortir, sans nous dissiper, nous serions restés recueillis en nous-mêmes, en tous les deux. Je m’étais vue là. J’aurais meublé nos chambres de choses d’art, douces aux yeux ; j’avais choisi déjà les pâles étoffes que je tendrais aux murailles. Là nous aurions lu, causé, aimé ; et je ne te sacrifiais pas, je ne brisais pas ta vie politique. Je sais bien l’espèce de cohésion professionnelle qui vous unit, vous autres hommes, à certaines carrières passionnantes ; mais je ne t’enlevais, moi, qu’à une œuvre accomplie, je t’y enlevais à l’heure opportune, quand ce n’était autour de toi qu’adulation et délire. Aujourd’hui, de toutes ses véhémences, le peuple t’aime ; tu viens de traverser une période grisante ; cet enthousiasme, ce culte que te porte toute une nation, ce doit être la plus belle, la plus grande jouissance d’orgueil. Garde pour ta vie cette saveur suave ; demain le peuple peut changer ; quand, du prélude icféal et triomphant de ton œuvre,