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Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/316

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huit fois ; aux dîners qu’il donnait, ce n’était, la plupart du temps, que récits de duels mémorables, de passes célèbres où les invités avaient tous joué un rôle, témoins, héros ou victimes. Elle avait entendu, avec une émotion qu’elle n’avait jamais cessé de ressentir en s’en souvenant, l’histoire d’un duel tragique où un jeune journaliste de Hansen avait été tué d’une façon horrible, dans les plaines en amont du fleuve. Et le docteur Saltzen lui-même était le premier à mettre en avant cet art de l’escrime dont il était si épris. L’épée était une de ses coquetteries ; on lui disait : « Rien que de tenir un fleuret, vous, Saltzen, vous vous affinez, vous vous effilez, vous faites corps avec votre lame. » Volontiers, maintenant, Madeleine avait l’esprit tourné vers ces préoccupations masculines, et la vue de ces armes lui suggéra cette pensée que n’auraient peut-être pas eue d’autres femmes : une affaire pour Samuel.

Son cœur commença de palpiter à grands coups. Elle avait, durant ses longs silences de jeune fille, à table, en ces dîners d’hommes, conçu la psychologie des gens qui se battent. Les uns allaient au duel par nécessité, comme à une périlleuse formalité d’honneur où les traînaient, mourants de peur, l’usage. D’autres, — ainsi avait-elle vu son