Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/79

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Et de toutes ces vies disparates, de cette complexité, l’harmonie des choses faisait la ville, c’est-à-dire Oldsburg vivante et unique, celle qui paraissait, dans cette volupté du crépuscule, si attirante au jeune meneur qui venait à elle. Être des centaines de mille âmes, vivre devant les mêmes aspects de la nature, subir les mêmes intempéries, frémir aux mêmes impressions, connaître les mêmes secrets locaux, s’attacher à de quotidiens intérêts communs, c’est, tout en s’ignorant, en se haïssant parfois, n’être qu’une âme. Les cités ont cette âme-là. C’était l’âme d’Oldsburg qui troublait ce soir Samuel comme l’eût fait une créature. Il regarda les rues assombries, la poésie des silhouettes, les maisons innombrables derrière lesquelles vivaient, souffraient et pensaient, bons ou méchants, hommes ou femmes, riches ou pauvres : tout le troupeau de ceux dont il faut guider la vie sociale ; et il proféra ce souhait de passion :

— Tout cela à moi !

Il s’engagea sur le pont dont les arches semblaient poser sans poids à fleur de glace. En aval se dressait la mâture des bateaux marchands. C’était le port de commerce où les glaçons blancs, comme de gros cristaux, bloquaient les coques de navires. Wartz avait froid. Mais ce n’était point ce