Page:Yver - La Bergerie.djvu/109

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saisit, fouilla la poche, y prit un portefeuille et ouvrit les paperasses au carton d’un portrait de femme.

« Tenez, dit-il d’un air indifférent, voici la personne dont nous parlions l’autre jour à table, Raphaël et moi ; une musicienne hors ligne, vous savez ; c’est la fille d’un Suédois et d’une Américaine. Elle est extraordinaire. »

Légèrement troublé, Frédéric aperçut des traits de blonde, pâlis, fanés ; un air triste et doux ; une auréole de cheveux vaporeux que la photographie donnait en blanc.

« Elle est délicieuse, dit-il par respect pour le mystère qu’il devinait,

— Elle l’a été, fit Beaudry-Rogeas qui jouait le sang-froid. Le chagrin l’a vieillie avant le temps. Elle est veuve, sans autre fortune que son immense talent, qui malheureusement n’est pas connu ; alors je voudrais l’aider, vous comprenez, la mettre en évidence, la faire apprécier. Cette femme-là n’a que trente-huit ans ; le portrait ne la flatte ni ne la rajeunit. J’aurais aimé qu’elle vint un soir faire de la musique ici ; je l’aurais invitée avec quelques amis. Duval, de l’Institut, et mon bon camarade Ménessier, du Conservatoire ; c’aurait été excellent pour elle… seulement, voilà… on me dit… il se pourrait en effet qu’on trouvât étrange… »

Sans qu’il s’expliquât davantage, Frédéric