Page:Yver - Le Festin des autres.djvu/300

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Sur chaque voie de la gare, il y avait un long train étalé comme une bête essoufflée dans son box.

— Ici, dit Abel. Ta place est dans cette voiture. Je l’ai retenue.

Thierry étonné remercia son frère. Leurs yeux se rencontrèrent. Abel détourna la tête. Une bouffée de vapeur d’eau, de charbon en poussière les aveugla ; quand maître Audun chercha Thierry, il le vit debout dans le chambranle de la portière, ayant escaladé le wagon sans oser lui serrer la main. Il comprit ce que cette crainte cachait de confusion et de douleur. Une petite voiture passait, chargée de livres et de revues. Abel acheta un roman dont on parlait et le tendit à Thierry.

— Pour lire en route, dit-il en souriant.

Leurs doigts se serrèrent furtivement.

Au même instant, le train s’ébranla d’un mouvement imperceptible, et lentement la fuite commença. Thierry restait debout, dans le cadre de la portière, impassible. Leurs yeux, alors, jusqu’à la fin ne se quittèrent plus.

Thierry entendait en lui-même la parole du Seigneur :

- Vous serez fugitif et vagabond sur la terre


5005. — Coulommiers. Imp. PAUL BRODARD. — 1-25.