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XII

Un soir de l’hiver 1896, averti par un télégramme, Hyacinthe Arbrissel s’en fut attendre son fils dans ce hall de rêve de la gare Saint-Lazare dont Claude Monet, vingt ans auparavant, avait traduit pour toujours l’apparence fuligineuse et embrumée d’un no man’s land entre la vie et le mystère de l’espace. L’âme du grand Arbrissel plongea dans ces masses impondérables du brouillard que l’éclairage au gaz trouait de vastes cônes d’une lumière presque palpable. On baignait dans une substance vaporeuse dont la profondeur était incommensurable ; et, çà et là, le volcan que semblait devenue quelque machine en chauffe lançait une éruption titanesque.

Enfin, du fond de la nuit émergea, hurlante et bouillante, une locomotive : celle du train de Rouen. La foule se rua aux barrières. Instinctivement, Arbrissel chercha la capote bleue et le pantalon rouge du jeune soldat parmi les voyageurs. Mais Pierre avait repris ses vêtements civils et il tomba dans les bras de son père avant