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Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/20

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pour flatter Me Arbrissel, les achetèrent à cinquante francs le tableau, ce qui parut un joli prix. Le garçon en fut flatté mais non pas satisfait. La joie par la lumière, l’ivresse qu’il avait connue à douze ans dans le champ des pommiers en fleur, il n’avait pas réussi à la faire jaillir de sa peinture. Le marchand de couleurs, qui portait dans son cœur cet adolescent poli et charmant dont le talent l’étonnait, lui répétait : « Poussez votre dessin, monsieur Arbrissel, poussez votre dessin ! » — « Oh ! monsieur Le Guirec, reprenait le garçon, le dessin, je m’en fiche. Je sais qu’avec un peu d’application, j’attraperai toujours l’équilibre. Mais la couleur de l’air, c’est-à-dire la lumière, c’est-à-dire l’atmosphère, comment la rendre ? » Et le vieil homme, secouant la tête comme font les sages, répondait : « Mais par vos rapports, mon enfant !»

Les rapports ? Toute la science du peintre était-elle là ? Est-ce qu’il existait un procédé pour représenter non pas un miroir de la nature immobile comme faisait cet art magique de la photographie dont on était encore enthousiaste ainsi que d’une nouveauté en cette année 1862, mais en mettant en mouvement la peinture sur la toile même comme la lumière agit dans la nature où tout bouge, tout frémit, tout danse ? Parfois il écrasait par plaisir sur sa palette des tubes de jaune, de rouge, de bleu, de noir et il se gavait de ces taches ardentes comme un autre enfant de bonbons.

Ce qui sauvait de la déraison cette adolescence en flammes, qui, dans la vieille maison notariale écrasée sous la grandiose cathédrale,