Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/66

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mais aminci par la redingote à longues basques, il apparut, au petit Anglais, tout pétri de poésie et de mythologie : « Aux Indes, on parlait beaucoup du grand peintre Arbrissel, monsieur… » balbutia-t-il avec un accent délicieux.

Aux Indes ! Quelle poésie ce seul mot évoquait aux oreilles de Pierre, dans cet atelier où trainaient çà et là, par terre ou sur chevalet, de gigantesques études ! C’était l’époque où Hyacinthe Arbrissel s’attaqua au nu masculin pour préparer son Combat de Géants qui allait devenir sa « profession de force ». Il y avait là des cartons où étaient recherchées particulièrement la musculature d’une jambe, la saillie tourmentée d’un biceps, l’anatomie d’un thorax d’athlète parfois transposée à l’échelle énorme. Ces études formaient une assemblée de corps herculéens d’où ressortaient violemment muscles et tendons. Croyait-on qu’il ne pouvait peindre que des nymphes errantes dans les bois ? Sa puissance ne s’exprimait-elle que-dans l’intensité de la couleur, dans l’éclat des complémentaires, la vivacité des roses, l’acidité des verts, la mélodie des bleus où il surpassait presque Manet ? Les formes en elles-mêmes lui étaient-elles insensibles ? On allait bien voir ! Mais déjà, avant que le public connût cette nouvelle manifestation de son pinceau, les Indes lointaines elles-mêmes lui envoyaient ce petit ambassadeur enfant pour porter un hommage à sa puissance.

« Comme mon père est grand ! » pensait Pierre. Et se grisant de mots, comme à cet âge, il répétait : « Mon père est colossal ! colossal ! »