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Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/102

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chère amie Bénouville, vous iriez me chercher mon éther.

De son pas de souris, la vieille dame traversa l’atelier, s’empressant sur un simple mot de son idole ; Clara était demeurée seule près de la chaise longue. Il y eut un silence. Les yeux fermés toujours, l’archiduchesse prononça sourdement :

— Il ne faut pas me traiter en ennemie, mademoiselle Hersberg.

— Mais, Altesse…

Le profil sur le coussin ne bougea pas, mais le long de la joue frêle, Clara vit glisser une larme, et la jeune fille continuait.

— … On ne me trompe pas. J’ai beau être prisonnière depuis dix-sept ans derrière les murs de ce palais et souvent dans les rideaux de mon lit, j’ai beau mener une vie plus cloîtrée et plus recluse que la plus austère religieuse, je sens, je devine et je sais bien des choses. Je sais qui vous êtes, mademoiselle Hersberg : vous êtes contre nous. J’ai beaucoup étudié l’histoire du règne de mon grand-père et l’histoire du grand révolutionnaire que fut le docteur Kosor. Il voulait le bien du peuple, lui aussi. Il s’est sacrifié pour le peuple. Combien de manières il y a de s’immoler à cette cause-là… Si vous saviez… Mais vous nous croyez les ennemis des pauvres gens. Le roi s’opposait à ce que vous veniez. Il me disait toujours : « Il y a une barrière infranchissable entre cette femme