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Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/327

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les destinées d’un peuple, ou bien de délicieux silences où l’on ressentait toute la béatitude de la paix.

À la maison, la reine s’enfermait avec le comte Thaven. Elle aurait voulu réaliser des économies, elle se faisait expliquer le budget du train royal ; elle exigea qu’on se contentât, pour le soir, des légumes que fournissait le potager. Ce repas du soir, tous le prenaient ensemble, à la table de Leurs Majestés, et, quand il faisait très chaud, Wolfran réclamait en riant qu’on mît le couvert dehors, comme chez les bourgeois de Lithuanie. Sur la terrasse, l’air était étouffant. On allumait de grosses lampes à globes dépolis. Le duc Bertie suivait le vol éperdu des papillons nocturnes qui venaient palpiter sur le verre. La bonne Gemma, fière de sa simplicité, disait avec un grand sérieux :

— Enfin, mademoiselle Hersberg, vous nous voyez, vous nous jugez, vous êtes témoin que pas un tisseur du faubourg n’aura soupé ce soir à meilleur compte que nous.

Mais une sorte de sensualité gagnait cette grave Hersberg elle goûtait à peine aux mets servis, elle humait les parfums de la nature ; la langueur du soir la pénétrait ; elle sommeillait à demi. Si le roi lui adressait la parole, elle tressaillait comme quelqu’un qui s’éveille. On n’échangeait que des propos vagues et frivoles. Bertie et Wanda, placés l’un près de l’autre, se taisaient. On demeurait tard à table.