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Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/34

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deux marches, et qu’éclairaient deux lampes à pétrole accrochées aux murailles avec leurs réflecteurs, cinq hommes étaient assis autour d’une table de bois noir. Au-dessus d’eux, des drapeaux rouges en faisceaux flottaient. C’était sordide, obscur et malodorant

Clara Hersberg ne s’était pas encore engagée entre les bancs que l’un des hommes fut debout, les yeux fous, blême et comme béant de bonheur. Il repoussa la chaise de paille, vint à elle ; elle lai sourit et lui tendit la main. Cet homme pâle, aux boucles noires striées d’argent, anémique, exténué de rêve, c’était Ismaël Kosor, le chef de l’Union, auquel mademoiselle Hersberg était secrètement fiancée. Il la regarda en silence, toute une minute, en tenant dans les siennes les mains gantées. Les choses s’étaient voilées autour de lui. L’infinie fatigue qu’exprimait son être fiévreux, il semblait la reposer délicieusement à la vue de Clara ; et ses traits ravagés se détendirent. en une sorte d’extase. Elle lui souriait toujours, presque maternelle. Elle dit seulement :

— Cher ami…

— Venez, prononça-t-il avec une ferveur secrète, venez vous joindre à nous, vous êtes entrée ici comme une lumière…

Les quatre autres s’avancèrent pour souhaiter la bienvenue à la camarade. C’était le vieil Heinsius aux lourdes épaules, à la longue barbe blanche, l’air inspiré comme un prophète ; c’était