Aller au contenu

Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/360

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Mais non… mais non ! ce que tu me dis est fou ; c’est toi que j’aime…

En même temps, un sourire de béatitude, jurant avec les mots d’indignation qu’elle prononçait, détendait ses traits. Elle répéta :

— Aimer Wolfran, moi ? Quelle pensée as-tu là, Ismaël ! L’aimer ? l’aimer ?

Et il semblait qu’elle eût un délice à redire ce mot, qu’elle en respirât peu à peu tout le parfum, qu’elle en goûtât toute la saveur. Cependant Ismaël grondait sourdement :

— Tu l’aimes, je le sens… Ah ! comme tu le défendais tout à l’heure ! Toi si raisonnable quand tu discutais notre pauvre amour, comme tu t’emportais, comme tu étais émue quand il s’agissait de cet homme !… Il t’a conquise, dis, dis-moi, il t’a conquise… Comment a-t-il fait ?

Elle, les yeux agrandis, comme éblouie devant une lumière soudaine, demeurait immobile. Elle levait les deux mains, dans un geste d’ignorance :

— Que veux-tu que je te réponde ? Je n’ai jamais cessé de t’appartenir en pensée. C’est à toi que je suis. Lui, lui, c’est… que te dirai-je ?… un être d’exception, une volonté. Personne ne peut savoir… Pas même toi…

Un long frisson la parcourut. Elle reprit, terrifiée :

— Il ne faut pas qu’il meure, Ismaël !

Il se détourna, en réprimant un sanglot :