Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/11

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que la pipe, et si madame Gérard le permet…

La gentille Huguette Gérard permit d’un sourire.

Alors il se mit à bourrer une petite pipe de merisier, pendant que tous se taisaient, comme des hommes de travail qui viennent de finir leur journée.

Il était six heures et, par ce soir d’octobre tiède et beau, la place de l’Opéra prenait des aspects de féerie. Quatre torrents charriant impétueusement fiacres, camions, auto-taxis, autobus, s’y croisaient dans un tumulte de tonnerre, et par un jeu savant, à intervalles réguliers, les torrents s’immobilisaient pour laisser passer, dans le silence, le flot des piétons, s’élançant la tête en avant, comme à la charge. Se faisant face, les deux ouvertures des catacombes modernes, avec leurs galeries à balustres, vomissaient périodiquement une foule noire, pendant qu’une autre foule s’y engouffrait. On aurait dit les allées et venues stupides et affolées d’une fourmilière. Deci, de-là, aux balcons, fulgurait l’éclair des affiches lumineuses. Et dans le fond, la façade géante de l’Opéra avec ses colonnades, ses entablements, ses frontons, ses génies, apparaissait allégée et bleuâtre.

Huguette Gérard décolletée, ses cheveux blonds dans le cou, une rose bleue sous son chapeau sombre, ne buvait pas, les yeux perdus dans le mouvement des voitures. Soudain, le geste d’un