Page:Yver - Les Cervelines.djvu/169

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quelle injustice s’est passée, cela va te rendre intéressant tout plein, dix fois plus que cet imbécile de Gérey.

— Qui est-ce qui dira l’injustice en ville ?

— Tout l’hôpital.

— Toi peut-être ? Tu dénonceras Le Hêtrais, hein ? ton chef d’école, le personnage représentatif de l’Hôtel-Dieu pour le public ; mon pauvre ami, c’est impossible ; tu fais, vous faites, nous faisons tous corps avec lui. Il existe une cohésion professionnelle. Entre amis, tu blâmeras bien Le Hêtrais, tu le traiteras au besoin comme il le mérite, mais je te défie de dire devant un malade ce que tu en penses. Je t’en défie, tu entends ; et tu auras raison. Mille rapports te lient à lui ; c’est ton ancien maître, et quand même n’aurais-tu pas la crainte de t’en faire un ennemi, grâce aux langues bavardes déjà prêtes à lui rapporter tes blâmes, que d’instinct, par dignité et esprit de corps, tu chercherais à cacher en ville sa conduite.

Soucieux, Tisserel pensait que demain il irait trouver le vieux docteur à propos de Jeanne Bœrk, en Solliciteur, presque humblement. Cécile disait vrai.

— Je suis un être malheureux, voilà tout, finit Jean.

On sentait qu’en lui cette déception avait une portée lointaine et inconnue ; Tisserel ne connaissait rien de sa secrète vie sentimentale, mais il était bon camarade et il le vit souffrir extrêmement, il s’écria :

— Rien ne me retiendra de dire au père Le Hêtrais lui-même mon opinion sur toi, sur Gérey