Page:Yver - Les Cervelines.djvu/26

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dernier siècle, et à cause de cela Henriette Tisserel, qui possédait très fort le sens des choses indéfinissables, avait fait tendre les chambres et le salon d’indiennes à ramages et de papiers à personnages. Ce n’étaient que carquois et que torches flambantes, que guirlandes et rubans noués à l’anse d’une corbeille, que chalumeaux et que tourterelles, que Myrtils et que Chloés. Le cabinet du docteur, à droite dans le vestibule, était seul meublé sévèrement de bois de chêne et tapissé de papier-cuir. Le nickel de quelques instruments brillait sur la table de travail, posés dans la laine rouge ; sur la cheminée trônait un bronze, souvenir d’une vieille cliente riche.

En entendant le pas de son frère dans l’escalier, la jeune fille ouvrit sa porte. Elle était prête pour le coucher ; les cheveux nattés en deux tresses brunes qui lui pendaient aux reins ; un peignoir rouge, libre de formes et traînant, cachait la robe de nuit dont les dentelles affleuraient aux manches. Sous ces étoffes flottantes, on la devinait très mince et gracile. Le col large de la robe dévoilait les secrets du port de tête ; elle avait une manière très spéciale de rejeter en arrière la nuque, ce qui tendait l’ossature délicate du menton, les lèvres, le nez au profil retroussé, toute l’expression du visage comme vers d’imaginaires tendresses auxquelles elle marchait. Même ses yeux aimaient, on ne savait quoi, rien sans doute, ou bien tout…

Ils s’embrassèrent ; elle lui fit un petit reproche pour rentrer si tard, et ils causèrent de leur journée, adossés au chambranle de la porte.

— Ton petit homme qui avait le croup ? sauvé ? quelle joie ! Et le pauvre vieux monsieur de la