Page:Yver - Les Cervelines.djvu/271

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plus pour elle ni conférence, ni amphithéâtre, ni auditoire, mais seulement Jean qui l’écouterait ; et combien lui étaient peu désormais ces lointaines choses du passé, la nuageuse philosophie qui s’en dégageait et leur leçon d’art superflue !

Au dernier moment, pressée par l’heure, elle, si consciencieuse toujours, chercha dans ses auteurs des pages qu’elle pût lire à haute voix. Elle alla jusqu’à calculer le temps que lui ferait gagner cette lecture, et le peu qu’il lui resterait alors à dire pour atteindre la fin de cette heure durant laquelle elle devait parler. Ce peu, elle n’eut pas le courage de le chercher ailleurs que dans sa dernière conférence où elle avait senti que certains passages plaisaient tant. Elle résolut de se répéter, de se plagier elle-même, pendant qu’à sa mise, au dernier instant, elle donnait des soins excessifs.

Au moment d’entrer par les couloirs inférieurs qui menaient à l’amphithéâtre, elle sentit une émotion telle qu’effrayée, elle se demanda sur quel ton elle parlerait tout à l’heure. Revoir Jean après ce qu’ils s’étaient dit l’autre jour, après le travail qu’avait accompli entre eux la tendre correspondance, se reconnaitre, s’entre-regarder, de loin, dans cette lumineuse salle publique, parmi tant d’êtres inconnus, c’était échanger les plus mystérieuses, les plus adorables choses. Et en effet, quand elle ouvrit la porte, qu’elle vint prendre sa place, et que d’un regard furtif à l’endroit où ses yeux l’avaient découvert l’autre jour, elle le reconnut, elle baissa la tête, et savoura la minute la plus béatifique qu’eût jamais dû lui procurer cette surprise d’amour où sa fière nature