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Page:Yver - Les Cervelines.djvu/289

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la silhouette vive de Marceline, rayonnante de grâce corporelle et de force morale.

— C’est de ce jour-là que j’ai commencé à l’aimer, se dit-il.

Depuis, que d’étapes, et comme cet amour avait pris la mesure de sa vie elle-même ! Ponard voulant maintenant le marier, quelle dérision ! et ce mariage somptueux qui lui aurait donné tout ensemble l’opulence et la grande vie de science, venant s’offrir au moment même où son amie lui écrivait en somme cette question : « Que faut-il sacrifier de mon existence pour avoir le droit de vous appartenir ? »

À la pensée de ce mariage, en un tel moment, il aurait ri, s’il n’avait été envahi par la plus violente émotion d’amour que le souvenir de Marceline lui eût jamais donnée. En vérité, malgré la furtive vision de Blanche Bassaing et la certitude agréable d’occuper ce cœur lointain et exquis de jeune fille, il reconnut que sa grande tendresse pour sa fiancée montait, montait toujours. Et se sentant aussi plus de droits, lui qui repoussait, pour elle, en s’en riant, la fortune et la gloire, il lui écrivit enfin ces lignes qui eussent pu être cette fois une lettre de femme :

« Chère Marceline, vous avez formulé vous-même ce que je n’aurais jamais eu la force de vous dire. Ce que vous pensez, en effet, ma mère l’a souhaité ; elle vous le demande. Je ne vous l’aurais jamais demandé. Je vous voyais, en vous donnant à moi, me donner votre liberté de travail, votre temps, vos conceptions d’avenir, mais non pas ce qui fait de votre œuvre comme une mission, ce qu’on aime enfin pour l’avoir choisi,