Page:Yver - Les Cervelines.djvu/313

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tant de confiance en elle ! » Il répondait : « Je la demanderai demain. » Et elle ne venait jamais. Il avait d’elle une sorte de crainte, comme si sa venue eût dû créer du malheur dans la maison. À la fin, quand ce désir de voir l’étudiante fut devenu pour la malade une obsession telle qu’elle ne parlait plus d’autre chose, Tisserel voulut vaincre ses répugnances et l’aller chercher à l’hôpital des Enfants. Il s’y rendit. Il n’était plus capable de rien refuser à Henriette. Mais quand il aperçut par delà le mur la lourde architecture en briques où se trouvait l’internat, pensant que là, dans une minute, il serait face à face avec cette créature de marbre qu’il détestait, il fit volte-face, sentant la démarche au-dessus de ses forces. En rentrant chez lui, passant à la poste, il lui adressa cette carte : « Mademoiselle, ma sœur Henriette a, de vous voir et de vous consul ter, un désir de malade si vif, si impérieux, que rien n’aurait su l’y faire renoncer. Dans quelques jours elle ne sera plus. J’espère que vous ne vous refuserez pas à sa prière. » Et il avait contre Jeanne tant d’irritation que, lui prêtant une nature haineuse et mauvaise qu’elle était si loin de posséder, il se dit : « Elle se donnera la joie de me causer cette peine suprême ; elle ne viendra pas. »

Un nouveau coup l’attendait à la maison. En son absence, une hémorragie était survenue, légère, mais attestant un dernier ravage dans la pauvre poitrine déchirée, et ayant laissé la malade dans une syncope de terreur. Ce fut pour Henriette, en pleine illusion d’espoir, l’avertissement décisif. Elle se sentit mourir et se révolta.