Page:Yver - Les Cervelines.djvu/343

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choisie froidement et que vous chérirez sans folie. Il faut savoir se créer son bonheur sans entraînement stupide. Le malheur est que les gens sont tellement affamés de bonheur, qu’ils veulent mordre à tous sans s’occuper duquel ils peuvent profiter en se l’assimilant.

Je ne comprends qu’une chose, dit-il, secrètement irrité, c’est que vous m’ôtez ce que vous m’aviez promis.

— Aussi, je me sens coupable envers vous ; je suis humiliée et honteuse ; j’ai agi en femme malhonnête, je vous demande pardon. J’ai commis une faute très grave ; une seule chose m’excuse : ma sincérité. J’ai été sincère en vous aimant, quand par surprise ce sentiment m’a envahie. Je l’ai encore été quand je me suis aperçu que je marchais vers une condition de vie qui n’était pas la mienne.

— Ma mère avait dit, soupira Cécile : cette femme-là te préfèrera toujours ses livres.

Il sentit qu’il venait de lui donner là le coup le plus cruel. Il vit une contraction douloureuse dans ses traits et son regard fuir.

— C’était… prononça-t-elle en hésitant, sous une forme exagérée, l’impression qu’elle avait et qui était vraie en soi. Il y a une grande sagesse chez votre mère ; elle possède une divination très juste de ce qui est. Vous la dites de petite culture, elle a bien saisi pourtant ce qu’une femme de mon état manquerait à vous donner.

— Comme vous êtes bien redevenue la Cerveline ! fit-il découragé. Comme vous pouvez parler de sagesse et vous analyser froidement en me tuant. Vous ne m’aimez plus !