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Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/104

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trois faces ; de merveilleux tapis égayaient l’atmosphère de leurs claires et vives couleurs persanes. Au centre, le bureau monumental régnait, envahi par un désordre où c’était miracle que le vieux maître put retrouver ses dossiers. Et quand il était assis là, découpant sur une tenture verte et blanche sa belle tête à la Largillière, discret comme un ecclésiastique, malin comme un robin de race, expert comme le pontife de la chicane parisienne, il semblait véritablement à ses clients un dieu, donneur d’oracles.

Ce matin-là, un matin joyeux du commencement de mars, où la place apparaissait tout ensoleillée derrière le tulle des rideaux, Fabrezan décachetait son courrier, quand il aperçut sur sa table entre plusieurs autres la carte de madame Gévigne, la plaideuse presque aussi célèbre au Palais que le bâtonnier lui-même. Depuis huit heures, la pauvre femme attendait, venue du fond de Vaugirard en omnibus, levée avant le jour, ravagée par cette passion de la chicane qui l’attachait à la robe des avocats comme les dévotes détraquées à celle des prêtres. Fabrezan haussa les épaules d’abord, et continua de lire ses lettres ; mais peu après une curiosité le harcela : cette carte sollicitait son attention. Il se plaisait trop lui-même à ce jeu des points de droit compliqués où s’affolait l’esprit de cette femme. Il sonna, et, s’assurant qu’elle était bien la première arrivée, donna l’ordre d’introduire la visiteuse.