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Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/199

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qualité bien féminine, à son sens. Madame Debreyne, en femme du monde, que la réussite d’une avocate ne pouvait toucher, louait Henriette sans réserve. Riant jaune, madame Clémentin, avec le tic de reboutonner sa jaquette, déclarait cette discussion fort amusante. Les petites stagiaires murmuraient :

— Merci ! plaider pour être jugée comme çà la première fois qu’on s’en tire à peu près…

Madame Martinal ne desserrait pas les lèvres. Elle écoutait, pesait les raisons de chacune, et, souverainement loyale avec elle-même, tâchait d’analyser les sentiments multiples que la dispute lui inspirait. Puis, à mi-voix, pour que mademoiselle Angély seule entendît son aveu :

— Eh bien ! Géronce a sans doute raison : ce ne sera peut-être jamais qu’un beau talent de femme ; n’empêche qu’Henriette l’emporte sur nous toutes. Je l’ai bien senti, allez, rien qu’à l’humeur qui me venait en l’écoutant Elle nous dépasse : si ennuyeuse que soit la constatation il faut la faire, et c’est vrai que j’ai envié sa verve, son invention, son assurance… Je l’ai enviée, et, si c’est vilain, c’est bien naturel. Henriette est riche, et, dans notre rivalité, c’est mon gagne-pain qui est l’enjeu. Je suis honteuse de ne pas m’être réjouie davantage de son succès. Elle est charmante, pourtant, et je l’aime bien.

— Taisez-vous donc, ma petite Martinal, souf-