Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/219

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grands dîners. La chose s’était déjà vue en pareil cas, et le nouvel élu avait alors prétexté les crises d’une maladie d’estomac. Toujours bien portant et gai, Lecellier, sûr maintenant de la victoire, avait, semblait-il, prévu l’occurrence délicate ; on l’avait entendu plus d’un fois se plaindre de crampes douloureuses à l’épigastre.

Mises en goût de malignité, toutes ces dames apportèrent leur anecdote touchant les grands confrères. Louise Pernette secoua sa tristesse pour rappeler que Blondel, son « président de colonne », du temps qu’il briguait le bâtonnat, amassait autour de lui le plus grand nombre de secrétaires possible, chaque secrétaire représentant une voix. Madame Martinal affirma que Ternisien, colosse de cinquante ans, bien conservé, aux cheveux rouges et au teint frais, commençait déjà de prendre des allures paternes et d’appeler les stagiaires : « mon cher enfant », de peur qu’on ne lui fit attendre trop longtemps le bâtonnat. Jeanne de Louvrol croyait même s’être aperçue qu’il se servait d’eau oxygénée pour décolorer sa chevelure Madame Clémentin, hostile à Fabrezan, à qui son mari devait sa radiation de l’Ordre, osa insinuer que le bâtonnier avait usé, pour se faire élire, de procédés douteux. Elle nomma de jeunes confrères auxquels il aurait mis le marché à la main, achetant leur voix avec des promesses de causes… Mais l’histoire fut jugée de mauvais goût. Un silence