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Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/334

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elle ; moi, j’aurais supporté toutes les gênes, accepté toutes les incommodités, renoncé même au sommeil, pourvu que je pusse me reposer une heure en serrant sa chère main… Mais il ne souffre donc pas comme moi de dormir seul !… »

Et, tous les soirs, quand le bébé s’était assoupi, que la veilleuse vacillante balançait de grandes ombres sur les lambris blancs, Henriette pensait :

« Aujourd’hui, j’en suis sûre, il reviendra… »

Au moindre bruit, elle tressaillait, son cœur battait et elle s’accoudait sur l’oreiller, retenant son souffle. Parfois le bruit s’éteignait. Parfois elle l’entendait se continuer dans la pièce contiguë : André allait au lit, et elle reconnaissait toutes ses manies d’homme soigneux qui range, en se déshabillant, jusqu’aux boutons de ses manchettes. Puis tout rentrait dans le silence. Alors son insomnie se prolongeait.

Toute son expérience de femme de loi l’avertissait. Elle avait reçu tant de confidences, entrevu l’intimité de tant de foyers, la caducité des choses de l’amour lui était si familière, qu’elle n’aurait pas dû s’étonner de cette évidente accalmie après dix-huit mois de passion. Mais André ne ressemblait point aux autres hommes. On retrouvait dans son affection la solidité normande et robuste de sa carrure. Henriette s’était appuyée sur ce sentiment comme sur un roc.

« D’ailleurs, pensait-elle très simplement, pourquoi m’aimerait-il moins ?… »