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n’y pouvait croire, ayant peu à peu désespéré de rencontrer jamais son roman.

Une intimité, pleine encore de réserve, s’établissait entre eux. Il ne parlait jamais d’elle, ne semblait pas la voir, restait de marbre ; elle s’attachait inconsciemment à lui et, sans se l’avouer, désirait son amour. Tous les samedis matins, elle se rendait à la conférence. Elle s’y inscrivit quatre fois pour prendre part aux débats ; les quatre fois, comme par hasard, André Vélines était là, dans la salle de la bibliothèque. Il l’intimidait. Elle craignait qu’il ne la jugeât dédaigneusement, la dernière fois surtout, où il s’agissait d’une question difficile : « Le droit de réclamer d’avance des honoraires appartient-il au médecin ? »

Mais Vélines lui dit, à l’issue de la conférence :

— Vous m’avez étonné. Vous n’êtes plus la gosse qui escamote sa plaidoirie en implorant pour son client l’indulgence du tribunal. Vous savez développer une pensée personnelle avec beaucoup d’habileté. C’était très bien.

Dès lors, par l’effet d’une vanité bien naturelle, Henriette s’exagéra le cas qu’il pouvait faire de son talent. Une après-midi, galerie Duc, dans l’embrasure d’une fenêtre, pendant une suspension d’audience, il lui raconta sa vie.

Ses parents étaient morts quand il était encore tout petit garçon. Sa grand’mère, qui habitait Rouen, l’avait élevé. Il devait une grande reconnaissance à cette vieille femme pour la virile